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ToggleEn observant l’évolution de la médecine à travers les siècles, je ne peux m’empêcher d’être stupéfaite par le chemin parcouru.
De ces temps où l’on saignait les patients pour rétablir l’équilibre des humeurs jusqu’à notre ère où l’intelligence artificielle propose des aides au diagnostic… La transformation est vertigineuse !
Pourtant, une question persiste et s’intensifie : avons-nous gagné en technologie ce que nous avons perdu en humanité?
📣 Points clés :
Entre technologie et humanité, l’évolution de la médecine pose la question de notre rapport au soin aujourd’hui.
- La médecine médiévale offrait une approche holistique que nous avons peut-être perdu de vue.
- Notre époque connaît un chaos thérapeutique où coexistent pratiques validées et alternatives, créant confusion et risques pour les patients.
- La médecine algorithmique et l’intelligence artificielle transforment le soin, au risque d’une déshumanisation.
- L’avenir réside dans une approche intégrative qui concilie progrès scientifiques et relation humaine, car nous soignons des personnes, non des diagnostics.
L'héritage oublié de la médecine médiévale
Une image biaisée de la médecine du Moyen-Âge
Évoquer la médecine médiévale, c’est faire venir à nous les images de ces médecins revêtus du masque en forme de bec typique de l’épidémie de peste, c’est aussi les barbiers-chirurgiens, et les saignées chez des malades au teint cadavérique !
Cette vision bien réelle est pourtant partielle, et mérite d’être nuancée par une observation plus approfondie de cette époque.
Une approche holistique avant l’heure
En réalité, les médecins du Moyen-Âge voyaient l’humain comme un tout : corps, esprit, émotions, environnement.
Le moindre déséquilibre était interprété comme une rupture dans l’harmonie des fameuses “quatre humeurs”, héritées d’Hippocrate et enrichies par la médecine arabe.
On ne traitait pas seulement un symptôme, mais une personne dans son système, avec l’idée qu’un corps sain était avant tout un corps en équilibre.
L’École de Salerne et le rôle des femmes en médecine
AU XIème siècle, l’École de Salerne, première institution médicale occidentale florissante, intégrait déjà des femmes parmi ses enseignants et étudiants. Trotula di Rugiero, gynécologue et chirurgienne, y dispensait son savoir, bien avant que les femmes ne soient progressivement écartées des universités naissantes.
Une méthode d’observation précurseur de la science moderne
Ce qui me frappe dans cette médecine ancienne, c’est l’amorce d’une véritable méthode.
L’observation se systématise peu à peu, et l’analyse des urines, l’uroscopie, devient un outil central pour comprendre l’intérieur du corps, sans avoir à l’ouvrir ni le blesser.
L’approche diagnostique suivait déjà une démarche structurée : interroger, observer, analyser, formuler des hypothèses, traiter.
Guy de Chauliac et la naissance de la chirurgie codifiée
Des figures comme Guy de Chauliac, auteur en 1363 de la Chirurgia Magna, ont posé les jalons d’une pratique chirurgicale codifiée, incluant des interventions aussi délicates que l’ablation de la cataracte.
Mais sur le terrain, la coexistence de savoirs académiques et empiriques créait une mosaïque de pratiques où moines, matrones, barbiers-chirurgiens et médecins diplômés pratiquaient chacun côte à côte…
Une situation qui rappelle un peu ce qu’on vit actuellement non ?
Cet article est un résumé de l’épisode 37 du Podcast Hack Your Soul.
Le chaos thérapeutique contemporain
Une offre de soins devenue illisible
Aujourd’hui, l’offre thérapeutique s’est démultipliée jusqu’à créer une confusion préoccupante. Les patients oscillent sans repères entre prescriptions validées et promesses séduisantes, sans toujours savoir à qui faire confiance.
Des repères brouillés, des risques bien réels
Ce nivellement horizontal des pratiques soignantes crée un brouillage des repères. Et les conséquences sont loin d’être anodines :
👉 Des errances diagnostiques préjudiciable
👉 L’abandon de traitements efficaces au profit de solutions non validées
👉 La combinaison risquée d’approches incompatibles
👉 Une confusion générale dans l’esprit du public
Des outils numériques qui entretiennent l’ambiguïté
Certaines plateformes de rendez-vous médicaux contribuent à cette confusion en présentant sur un pied d’égalité praticiens diplômés et thérapeutes auto-proclamés.
Les patients cherchant un accompagnement font face à une véritable jungle où s’orienter relève de l’exploit. Par ailleurs, se tourner vers le système sanitaire veut dire attendre un RDV parfois plusieurs mois.
Le vide laissé par un système en crise
La crise sanitaire a amplifié ce phénomène, érodant la confiance dans la parole médicale officielle.
Dans le vide laissé par un système de santé fragilisé, se développent des alternatives séduisantes, promettant ce que la médecine conventionnelle semble avoir perdu : du temps, de l’écoute, une approche globale.
L’urgence de redéfinir les frontières du soin
Néanmoins, clarifier les frontières entre soin fondé et croyance devient un enjeu crucial. Il ne s’agit pas d’opposer science et humanisme, mais de comprendre que l’approche holistique n’implique pas l’abandon de la rigueur scientifique. Elle l’enrichit d’une dimension humaine essentielle.
Entre dogmatisme scientifique et médecine algorithmique
Quand la science devient dogme
La science n’est pas un dogme figé mais une démarche vivante qui progresse précisément par le questionnement.
Pourtant, dans notre quête légitime de repères solides, nous risquons de transformer le savoir scientifique en système de croyance, où penser devient suspect et douter équivaut à trahir.
L’intelligence artificielle bouscule le soin
Parallèlement, l’irruption de l’intelligence artificielle dans le champ médical dessine les contours d’une médecine algorithmique qui promet efficacité et accessibilité.
Des cabines de téléconsultation automatisées aux applications thérapeutiques, la technologie redéfinit notre rapport au soin, parfois au détriment de la relation humaine.
Une médecine à deux vitesses en gestation
Ce que je crains, c’est l’émergence d’une médecine à deux vitesses :
👉 d’un côté, une approche technique, standardisée, sans humain et déléguée à des dispositifs connectés pour le plus grand nombre
👉 de l’autre, un soin personnalisé, humanisé, réservé à ceux qui pourront se l’offrir, utilisant l’IA comme assistant.
Penser un soin intégratif
Derrière chaque diagnostic, une histoire singulière
Le diagnostic est un outil, non une finalité. Lorsque nous réduisons une personne à son trouble, nous figeons sa réalité dans une étiquette qui ne dit rien de son histoire, de son environnement, de ce qu’il traverse réellement.
L’intelligence artificielle ne remplacera jamais la relation
L’intelligence artificielle représente un formidable potentiel pour la médecine, notamment en imagerie, en génétique ou en aide au diagnostic. Mais elle ne saura jamais établir cette alliance thérapeutique qui constitue le cœur même du soin. Car ce qui soigne, au-delà des techniques et des théories, c’est avant tout la relation.
Soigner reste un acte profondément humain et politique
Dans un monde qui valorise la vitesse, l’automatisation et la segmentation, prendre le temps de penser, d’écouter et de soigner devient un acte profondément politique.
Réaffirmer que nous ne soignons pas des diagnostics mais des personnes, dans toute leur complexité et leur singularité, constitue peut-être le plus grand défi de la médecine contemporaine.
Vers une médecine intégrative, entre héritage et innovation
Ainsi, entre l’héritage d’une médecine antique et médiévale attentive au sens, et les promesses d’une médecine technologique tournée vers l’efficience, se dessine la possibilité d’une voie intégrative qui préserverait ce qui fait l’essence même du soin : la rencontre entre deux humanités.
📚 Sources :
Magazine Sciences et Avenir, hors série Avril-Juin 2025
La dignité de penser, Roland Gori
