Honte ou pudeur ? Comprendre la honte… et s’en libérer

Pudeur excessive

La honte est une émotion sociale qui écrase et isole, là où la pudeur protège et structure.

À partir du récit de Marguerite, découvrez comment la honte s’installe, pourquoi elle est « contagieuse », et trois voies concrètes pour l’apaiser.

📣 Points clés :

  • La pudeur protège et structure, la honte écrase et isole.

  • L’histoire de Marguerite illustre comment la honte se transmet et se transforme.

  • La honte s’installe en 3 temps : anéantissement, confusion, puis prise de conscience.

  • Ne jamais utiliser la honte à des fins éducatives : elle laisse des brèches durables dans la psyché.

  • Trois voies pour s’en libérer : la transformer en culpabilité ajustée, en indignation juste, ou en humour respectueux.

Pourquoi parler de honte aujourd’hui ?

Il existe des mots qui brûlent les lèvres.

La honte en fait partie.

Elle se glisse dans les corps, les relations, les silences, parfois de génération en génération. Elle enferme, elle dévore, elle isole. Et pourtant, c’est une émotion universelle : vous l’avez probablement déjà éprouvée.

Alors, qu’a-t-elle de si différent d’une simple pudeur, ou même de la culpabilité ? Pourquoi a-t-on l’impression qu’elle peut « tuer » symboliquement, là où d’autres émotions ne font que nous questionner ?

Cet article est un résumé de l’épisode 42 du Podcast Hack Your Soul.

Marguerite, du secret au dévoilement

Marguerite a 30 ans. Elle est en couple avec Stéphane depuis un an et demi. Quand il obtient une mutation à dix minutes de chez elle, la cohabitation devient un projet. Et c’est précisément ce déclencheur qui obligera Marguerite à affronter cette honte indicible.

Depuis toujours, elle est incapable de se montrer nue devant qui que ce soit. En amour, elle a bâti des stratégies pour ne jamais « se montrer ». Mais avec Stéphane, cette pudeur est interrogée.
Alors Marguerite se souvient des « Tu n’as pas honte ? On ne se montre pas ! » de sa mère. Des phrases qui en réalité, cachaient un secret familial.

Alors, Marguerite a pu dire et circonscrire sa honte, en comprendre l’origine, ce qui lui a permis une nouvelle intimité. 

Pudeur vs honte : tracer enfin la frontière

La pudeur protège. La honte écrase.

        👉 Ressenti : la pudeur, c’est la gêne qui incite à la discrétion. La honte, c’est l’effondrement, l’envie de disparaître.

        👉 Fonction : la pudeur est une défense socialisante ; elle délimite ce que vous choisissez de montrer. La honte est imposée de l’extérieur ; elle disqualifie la personne entière.

        👉 Décision vs assignation : la pudeur dit « je décide de ne pas me montrer ». La honte dit « tu n’as pas le droit de te montrer ».

        👉 Éducation : la pudeur s’enseigne par l’exemple (des limites claires et lisibles). La honte ne devrait jamais être un outil éducatif : elle installe une brèche de fragilité durable dans la psyché.

        👉 À retenir : utiliser la honte pour « éduquer » revient à jouer avec l’angoisse d’abandon de l’enfant. On crée en lui un point de fragilité qui, à l’âge adulte, peut devenir une porte d’entrée pour des manipulateurs ou des personnes malintentionnées. 

La honte s’installe en 3 temps

Avant tout, il y a un déclencheur : un regard réprobateur, véritable « regard honnisseur », qui tombe comme un verdict (« Tu n’as pas honte ? »).

 

  • Le risque d’anéantissement : c’est un vécu de catastrophe. On rougit, on voudrait disparaître. L’intégrité psychique vacille.

  • La confusion/dissociation : pour échapper à l’effondrement, on se coupe de soi. La peur recule… au prix d’une désorientation coûteuse.

  • Le sentiment conscient de honte : paradoxalement, c’est un premier repère. Pouvoir dire « c’est la honte », puis « j’ai honte », crée de la distance et restaure peu à peu l’intersubjectivité.

L’intersubjectivité, c’est notre capacité à exister dans le regard d’autrui, à nous penser à travers ce regard, tout en restant nous‑mêmes. C’est l’espace partagé où se fabriquent nos liens, nos émotions et nos représentations communes.

Sortir de la honte : 3 voies de résolution (et les pièges)

La honte ne protège pas et ne dit rien de ses causes. On peut la porter pour un acte commis, subi, observé… ou par solidarité familiale. Le chemin consiste à reconnaître, enquêter (une honte peut en cacher une autre) et mettre en mots.

Les impasses fréquentes

         👉 L’ambition comme antidote : quête infinie de validation extérieure pour « prouver » qu’on n’est pas détruit.

         👉 L’assujettissement de l’autre : projeter sa honte sur l’autre pour s’en débarrasser, au prix d’une relation instrumentalisée. (je vous renvoie à l’épisode 28 du podcast qui parlait de la série Invisible sur le harcèlement scolaire)

         👉 La résignation : se laisser grignoter (isolement, conduites à risque…)

         👉 Le masochisme : tolérer l’humiliation pour sauver coûte que coûte l’appartenance au groupe.

Les voies fécondes

  1. Transformer en culpabilité ajustée : distinguer ce que j’ai fait de ce que je suis.

  2. Transformer en indignation juste : quand la honte révèle une injustice subie, retourner l’énergie vers la protection de soi et des autres.

  3. Activer l’humour respectueux : non pas un sarcasme qui humilie, mais un pas de côté qui désamorce et remet en lien.

Point‑clinique : ces voies n’en sont vraiment que si elles circonscrivent la honte initiale. Si elles deviennent identitaires (culpabilité envahissante, indignation permanente, humour corrosif), on reste dans un aménagement sans issue.

Mini‑boîte à outils : 6 gestes concrets

  • Nommer : « J’ai honte » (ou, au début, « c’est la honte »). Mettre des mots crée de l’espace.

  • Localiser l’origine : qui/quoi impose la honte ? À quel âge ? Dans quelles événements ? Et parfois, interroger la norme que l’on a intériorisée.

  • Distinguer pudeur/honte : est‑ce un choix (pudeur) ou une assignation (honte) ?

  • Choisir un témoin sécure : un regard qui n’humilie pas change la donne.

  • Réparer quand c’est possible : si j’ai commis une faute, je la traite (excuses, réparation).

  • Mettre du jeu : humour bienveillant, auto‑dérision mesurée, créativité.

Conclusion : la honte disparait au contact d’un regard bienveillant

La honte nous fait croire que nous sommes seul au monde.

Pourtant, lorsque l’on passe de « c’est la honte » à « j’ai honte », un espace s’ouvre : la respiration, le lien, la possibilité d’un nouveau récit.

La pudeur trace une frontière salutaire ; la honte exile. Il ne s’agit pas de l’éradiquer, mais de l’apprivoiser par les mots, de faire le choix du lien.

Et vous ? Si vous osiez parler de votre honte aujourd’hui, que se passerait‑il ? Peut‑être la fin d’un isolement et le début d’une nouvelle introspection, d’une nouvelle histoire avec vous‑même…

📚 Source :

De la honte qui tue à la honte qui sauve, Serge Tisseron, Le Coq-héron 2006 (p.18 à 31) : article dispo sur le Cairn

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