Dans le 28ᵉ épisode du podcast, nous explorons la série Invisible, diffusée sur Disney+.
Au-delà de son aspect fantastique, cette œuvre met en lumière des thématiques sociétales majeures telles que le harcèlement scolaire, les dynamiques de groupe et le silence face à la violence.
Cet article revient sur les points essentiels abordés dans la série et leur résonance avec la réalité.
Pour écouter l’épisode en entier :
Invisible sur Disney+ : quand le fantastique rencontre la psychologie
Invisible raconte l’histoire de Capi, un collégien de 12 ans qui développe un super-pouvoir d’invisibilité. Mais ce pouvoir est aussi une métaphore. Celle de son isolement, dû au harcèlement scolaire.
En six épisodes, la série explore des sujets complexes comme :
- Le harcèlement scolaire : verbal, physique et psychologique.
- Les inégalités sociales influençant les dynamiques au collège.
- Les mécanismes groupaux comme la contagion émotionnelle et la loi du silence.
- La quête identitaire à l’adolescence.
Ce qui est remarquable, c’est que la série ne se limite pas à dénoncer les faits. Elle s’attarde sur les mécaniques à l’œuvre dans le harcèlement, le déroulement du processus, ses conséquences émotionnelles et sociales.
Harcèlement scolaire : chiffres mondiaux et réalité française
Selon un rapport de l’UNESCO de 2019, un enfant sur trois dans le monde est victime de harcèlement scolaire.
Bien-sûr il y a des différences culturelles entre les pays. En Europe et en Amérique du Nord, le harcèlement psychologique prédomine par rapport au harcèlement physique, plus fréquent dans le reste du monde.
Quant au cyberharcèlement, il toucherait un enfant sur dix.
En Europe, la moyenne de harcèlement toutes formes confondues atteint 25 %. Et si l’on parle des formes sévères de harcèlement elles touchent environ 5 % des élèves.
En France, la première étude publiée sur le harcèlement date de 2011. Dans cette enquête, le harcèlement scolaire concernait 11,7 % des élèves d’école élémentaire et de collège, dont 4,9 % de harcèlement sévère.
La série reflète fidèlement cette réalité en illustrant comment le harcèlement sévère, (c’est-à-dire subi au moins une fois par semaine), bouleverse la vie de ses victimes.
La loi du silence : un pacte inconscient
L’un des aspects les plus marquants de Invisible est la représentation de la loi du silence. Bien que tout le monde perçoive la souffrance de Capi, personne n’intervient véritablement. La série illustre la communauté de déni.
Ce concept a été développé par le psychanalyste Michel Fain. Il s’apparente au refus inconscient de la réalité par un groupe, renforcé par des processus projectifs. Ces derniers servent ici à externaliser la menace. .
Pourquoi ce silence persiste-t-il ?
La communauté de déni repose sur une complicité silencieuse où chacun, par peur des conflits et de l’exclusion, choisit de maintenir un statu quo.
Ce mécanisme est renforcé par des biais cognitifs (de confirmation et de conformité sociale) qui permettent de minimiser la gravité des actes ou de blâmer la victime.
Par ailleurs, à l’adolescence, le besoin d’appartenance et la peur de la marginalisation amplifient cette dynamique. Les réseaux sociaux accélèrent cette exclusion en accentuant la pression normative.
Le silence collectif radicalise le groupe des harceleurs et des témoins, enfermant chacun dans un déni qui préserve l’équilibre apparent du groupe, mais au prix d’une souffrance généralisée.
Harcèlement scolaire : impacts émotionnels sur les victimes et témoins
La série montre avec une acuité remarquable les répercussions du harcèlement :
- Pour les victimes : honte, culpabilité, isolement, jusqu’à la présence de pensées suicidaires.
- Pour les témoins : culpabilité, peur, et/ou adhésion silencieuse au groupe.
- Pour les harceleurs : un cycle de violence parfois enraciné dans leurs propres traumatismes.
Capi incarne parfaitement cette spirale émotionnelle, passant de l’espoir à la honte, puis au désespoir. Son pouvoir d’invisibilité devenant une métaphore de son propre enfermement.
Comment lutter contre le harcèlement scolaire : les leçons de Invisible
Le message central de la série est clair : la lutte contre le harcèlement nécessite une prise de conscience collective. Les parents, enseignants et camarades ont tous un rôle à jouer pour briser la communauté de déni.
Cela implique :
- Encourager une culture de l’écoute et du dialogue.
- Sensibiliser les adultes et les jeunes aux mécanismes de harcèlement.
- Prendre des mesures éducatives et institutionnelles fortes pour prévenir ces situations.
Tant que l’on pensera que le harcèlement est l’affaire de l’agresseur et de sa victime, nous ne pourrons traiter les dynamques groupales qui s’y associent.
Conclusion : agir contre la violence et briser le silence
La série Invisible sur Disney+ nous plonge au cœur du harcèlement scolaire et de ses conséquences dévastatrices sur les individus et les groupes. À travers l’histoire de Capi, elle nous montre comment la violence perdure dans un silence collectif, souvent motivé par la peur, le déni et des mécaniques groupales. Mais elle délivre aussi un message d’espoir : chacun d’entre nous a un rôle à jouer pour mettre fin à ces dynamiques destructrices.
Le harcèlement scolaire n’est pas un « rite de passage ». C’est un dysfonctionnement individuel et social qui laisse des marques durables. Un enfant harcelé en primaire court quatre fois plus de risques de faire une tentative de suicide à l’adolescence. Être harcelé au cours de son enfance ou de son adolescence augmente le danger de développer une dépression à l’âge adulte.
C’est donc un problème systémique qui exige une réponse collective. Parents, enseignants, élèves, mais aussi institutions, nous avons tous la responsabilité d’agir. Briser la loi du silence et la « communauté de déni » est le premier pas pour changer les choses.
C’est en réfléchissant et travaillant collectivement sur la question de l’altérité et des limites (entre autres) que nous pourrons instaurer une culture où le respect, l’entraide et la bienveillance remplaceront l’exclusion et la violence.
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