Reconversion professionnelle forcée : d’infirmière à créatrice en couture

Comment se reconvertir

Une reconversion professionnelle, ça amène plein de questionnements : sur soi, mais aussi sur sa place dans la société. Et quand elle est imposée, faire le travail de deuil est parfois difficile. 

Floriane est créatrice d’accessoires féminins et gérante d’une boutique de créateurs à Nantes. Mais elle n’a pas toujours fait ce métier, elle a dû se reconvertir à marche forcée… D’infirmière, métier pour lequel elle éprouvait une véritable vocation, elle a réalisé un rêve qui lui paraissait impossible : celui de devenir créatrice en couture.

Comment son histoire personnelle et son éducation ont-elles impacté cette reconversion ?

Comment s’est passée la transition du salariat à l’entrepreneuriat ?

Comment organise-t-elle ses journées en tant que créatrice ?

Qu’est-ce qui anime Floriane, quelles sont ses valeurs, et comment a-t-elle trouvé la ressource pour surmonter ces événements de vie ?

Allez écouter le témoignage complet de Floriane dans l’épisode 16 du Podcast Hack Your Soul :

L’éducation que nous avons reçu ainsi que les premiers liens vécus avec nos parents façonnent en partie notre vision de la vie.

Dans la famille de Floriane, les valeurs du travail et de l’indépendance (avoir sa propre autonomie en tant que femme) étaient prépondérantes.

Elle a reçu une éducation qu’on pourrait qualifier de « dure » dans le sens où on ne s’apitoyait pas sur soi car « il y a pire ailleurs ».

Bonne élève, elle confie ne pas avoir eu le choix. La pression était forte, et l’échec était considéré comme un discrédit.

Atteinte de scoliose et de malformations aux pieds, devant subir plusieurs opérations, on ne la ménage pas. Le mot d’ordre est de montrer qu’on est capable, au même titre que les autres.

Consciente que ces douleurs l’empêcheront d’avoir accès à certains métiers, elle s’est appuyée sur ses capacités à apprendre, à travailler dur. 

"T'as pas les jambes mais t'as la tête"

Floriane le dit volontiers : « on a rien sans rien », il faut se dépasser. La valeur travail est toujours une valeur très forte pour elle, mais elle y a ajouté un peu de douceur.

C’est la maternité qui lui a fait réaliser qu’elle ne souhaitait pas transmettre une éducation aussi rigoriste à ses filles. Pour elle, l’échec n’en est pas vraiment un : si tu as tenté, c’est déjà une réussite, car il vaut mieux essayer que d’avoir des regrets.

Une reconversion professionnelle forcée par un accident

Floriane n’a pas su écouter les premières alertes physiques. Elle a pu bénéficier d’une adaptation de son poste d’infirmière, mais les douleurs étaient intenses et la charge de travail devenait incompatible avec sa scoliose.

Il était hors de question de travailler moins que ses collègues. Elle se sentait obligée d’être à la hauteur des autres, trace indélébile de son éducation.

Finalement, c’est une déchirure musculaire qui a précipité l’arrêt de travail, une tentative de reclassement professionnel, puis finalement un licenciement pour inaptitude.

Un an s’est écoulé entre ce premier choc, et l’ouverture de sa micro-entreprise. Le temps d’un deuil.

D’abord submergée par la tristesse, la culpabilité de ne pas s’être écoutée, elle s’autorise peu à peu à prendre soin d’elle. Comment ? En créant bien-sûr : bijoux, déco, couture.

Que ça soit sur la question financière ou la réorganisation du quotidien, Floriane souligne à plusieurs reprises que l’entourage a été un soutien nécessaire et indispensable à la réalisation de sa reconversion.

"Ce métier m'avait brisé"

Cette période n’a pas été facile, tant d’un point de vue émotionnel que par les questions qui la traversaient.

« Qui suis-je maintenant que j’ai perdu ce statut social, que ma carrière est finie ? »

C’est une 2ème vie qui s’ouvre devant elle. Certes, le métier d’infirmière n’était plus possible. Mais cet événement la forçait à envisager d’autres chemins, même ceux qu’elle n’aurait jamais cru pouvoir réaliser.

Passer du salariat à l'entrepreneuriat

Après avoir pris sa décision, c’est un nouveau monde qui s’ouvre. Plus de patron, plus d’horaires. Une grande liberté… Un peut trop grande et intimidante.

Il faut donc se recréer un cadre de travail, se limiter pour ne pas s’épuiser et ne pas retourner dans les douleurs, prendre soin de soi en aménageant des temps de sport et de soins.

"Quand on a envie, on peut tout apprendre"

Apprendre de nouvelles compétences, au-delà du pur travail artisanal de couture, en vente, marketing, comptabilité… Tout cela l’a énormément stimulée.

Le changement s’opère, la reconnaissance de la famille, des amis et bien-sûr des clients, voilà ce qui a permis à Floriane de trouver du sens dans sa nouvelle activité et de s’y épanouir.

C’est une reconversion réussie.

Et si un nouvel événement la poussait à devoir changer de nouveau ? Elle est déjà riche de cette expérience, qui lui a donné confiance en elle pour affronter les épreuves de la vie !

Le travail d'artisanat : créatrice en couture

Aujourd’hui, Floriane est à la fois créatrice d’accessoires féminins pour La rêverie de Flo, et cogérante du Flamant Bleu, une boutique de créateurs à Nantes.

Ses journées se partagent donc entre son entreprise et le développement du magasin.

Le prendre soin, (valeur qui tenaille les professionnels du soin comme infirmière), elle le transforme et le réutilise pour aider ses collègues et les créateurs de la boutique à grandir.

Le partage et le travail en équipe sont ses fondamentaux. L’important est de grandir ensemble.

"Il n'y a pas de concurrence, il y a de la place pour tout le monde"

La créativité est au cœur de son métier de créatrice. Mais comment faire pour garder l’envie de créer, la motivation, et surtout l’inspiration ? « Lâcher prise », dit Floriane, « faire confiance à ses intuitions », et surtout savoir ralentir.

Il s’agit de trouver un équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle… Pas si simple !

Grandir dans l'adversité de la reconversion

Prendre soin des autres, sans aucun doute, Floriane savait le faire. Mais prendre soin d’elle ?

Si son accident l’a amenée à une première remise en cause profonde, la maternité l’a poussée à réexaminer ses valeurs et ce qu’elle souhaitait transmettre à ses filles.

Deux étapes d’un même processus qui l’a fait grandir.

Car oui, l’éducation qu’elle a eu petite continuait de l’impacter dans sa vie d’adulte. Seulement, il lui fallait retravailler cet héritage familial, en même temps que tous les questionnements qui surgissaient par rapport à sa reconversion professionnelle.

L’enjeu était de taille : permettre à la sensibilité de ses filles de s’exprimer sans pour autant leur cacher la dureté du monde dans lequel on vit.

L’accompagnement en thérapie a été salvateur. Peu à peu un « qui suis-je » s’est reconstruit, son chemin s’est clarifié. Le plaisir est revenu, et la réussite aussi. 

Plus la confiance grandissait, plus Floriane arrivait à se détacher de ce regard pesant et impératif qui lui ordonnait de faire toujours plus.

Bien-sûr les choses ne sont pas toutes roses.
Le parcours a été long, les remises en causes multiples, ponctuées de hauts et de bas en terme émotionnel. Le doute de ne pas y arriver. Et parfois, le découragement : « à quoi bon », « c’est impossible ». 

Et même si la cicatrice de ce deuil est toujours présente et se rappelle à Floriane de temps en temps, son choix actuel est entièrement assumé et source d’épanouissement.

Conclusion : atteindre sa limite et se réinventer

Ce que je retiens, de cet entretien, c’est l’importance des injonctions de l’enfance. Comment elles ont marquées Floriane et ont été intériorisées, puis retravaillées pour en garder une bonne partie, une partie acceptable et qui l’aide à grandir.

Floriane cite le « il faut que », le « toujours plus », la pression de la perspective d’un potentiel échec, le perfectionnisme… Tout ça a certes mené à un dépassement de soi, mais au-delà des limites.

Le corps a lâché, et finalement, c’est d’avoir touché cette limite physique qui a permis à Floriane de se réinventer, je dirai même de se permettre de se réinventer en dehors des injonctions familiales et du regard des autres.

Le fait de ne pas avoir eu le choix, l’a obligée à avancer et à tester son idée d’être créatrice…

Le nom de son entreprise La rêverie de Flo est bien trouvé : il décrit parfaitement comment ce qu’elle projetait d’un avenir fantasmé est devenu réalité…

Mais au-delà des paillettes, je retiens aussi la force de travail de Floriane, son courage à se lancer, sa capacité à apprendre de nouvelles compétences et bien-sûr son aptitude à affronter des émotions parfois violentes, à les traverser, en construisant de nouvelles perspectives sur les questions qu’elles soulèvent.

Un grand merci à Floriane qui a partagé sans filtre les bons comme les mauvais moments dans cet entretien.

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