Sommaire
ToggleL’introspection est un outil puissant pour explorer notre monde intérieur et comprendre nos émotions, nos pensées et nos motivations… Et ce n’est pas moi qui vous dirai le contraire !
Je vous renvoie à cet article pour comprendre le tenants et les aboutissants de cette pratique.
Pourtant, une réflexion critique est aussi nécessaire sur ce processus.
Est-ce que l’introspection est la réponse à tout ?
Peut-on atteindre une certaine objectivité sur nos états internes ?
Peut-on s’abstraire de nos préjugés ?
Et comment éviter de s’enfermer dans un cercle vicieux de pensées négatives, augmentant le sentiment de solitude et d’enfermement.
Dans cet article, nous examinerons de près les limites et dangers potentiels de trop s’en remettre à l’introspection. Nous poserons les bases d’une introspection saine.
La recherche d'objectivité
Les biais cognitifs
Lors d’une introspection, l’observé et l’observateur sont une et même personne. On peut donc légitimement se poser la question de l’objectivité du matériel tiré de cette pratique : peut-on avoir une perception non faussée de nous-même ?
Difficile car nous sommes truffés de biais cognitifs. Ici j’en n’en citerai que 3 (parmi d’autres !) qui peuvent effectivement entraver cette auto-observation :
– Le biais de confirmation
Il nous pousse à confirmer nos croyances et nos idées préconçues, plutôt que de chercher des preuves contraires.
Par exemple, je crois que « je suis nulle ». Et bien je vais avoir tendance à répertorier dans mon histoire tous les moments où telle personne m’a rabaissée, où je n’ai pas été à la hauteur d’une situation etc… En occultant les moments de réussite, ceux où j’ai reçu des appréciations positives de mes collègues etc… Parfois même, un brin de rationalisation s’y ajoute : « c’est normal que j’ai réussi à faire ça… tout le monde en est capable ! »
Pour limiter ce biais, il sera donc important de rechercher activement des preuves contradictoires à nos hypothèses de départ, pour équilibrer notre perception de nous-mêmes.
– L’illusion de contrôle
C’est quand nous surestimons notre capacité à contrôler les événements ou des résultats qui sont en fait dus au hasard. En clair, on risque donc de s’attribuer un pouvoir que l’on n’a pas.
Typiquement on peut s’attendre à avoir plus de succès que les probabilités ne l’indiquent en réalité.
Pour moduler ce biais, vous pouvez vous informer sur les probabilités réelles de certains événements (quelle est la part qui ne dépend pas de vous ?) et bien-sûr cultiver une certaine humilité !
– L’erreur fondamentale d’attribution
C’est quand nous attribuons nos comportements à nos caractéristiques internes (traits de personnalité, émotions, opinions etc) plutôt qu’à des circonstances externes (surtout situationnelles).
Peut-être pensez-vous que le comportement d’une personne est déterminé en majeure partie par sa personnalité ?
La réalité est que la situation va influencer la personne, qui réagira certes en fonction de sa personnalité… Mais celle-ci ne peut pas être un facteur prédictif de réaction : c’est une des grandes trouvailles de la psychologie sociale !
Exemple concret : une personne est agressive en voiture et vous fait une queue de poisson. Vous vous dites c’est vraiment un mauvais conducteur. Or, il est possible que ça soit la première fois qu’il le fasse ! Il réagit peut-être à une situation exceptionnelle : sa femme est en train d’accoucher.
Il sera donc nécessaire de pouvoir se mettre « à la place de », « dans la tête de », de faire preuve de bienveillance et d’empathie pour comprendre non seulement l’expression de l’émotion ou du comportement, mais aussi ce qui le détermine.
Inconscient et subjectivité
Dans le paragraphe précédent nous avons exploré les théories issues des sciences cognitives. Cette fois nous nous plaçons dans le référentiel théorique de la psychanalyse.
Comment lever le voile de l’inconscient, qui comme son nom l’indique n’est pas à notre portée, est caché ?
Explorer son inconscient est possible, mais c’est un processus délicat, surtout en autonomie. Nous pouvons être confronté à des défenses, à la peur, à la douleur de découvrir certains aspects de nous.
L’inconscient, c’est ce que les psychanalystes travaillent avec la technique de l’association libre en séance. Ils prêtent également une attention toute particulière aux symboles, aux rêves, aux fantasmes, aux moments où notre langage s’emballe (comme dans les lapsus) ou lorsque l’on fait des jeux de mots.
Les mouvements surréaliste et Dadaïste ont tenté par leur art d’accéder à cet inconscient. La dimension ludique était d’ailleurs très présente dans leurs œuvres 👇.

Seul, vous pouvez aller à la rencontre de votre inconscient par le biais de l’écriture automatique, ou vous essayer aux rêveries éveillées. Il s’agit de laisser libre court à ce qui vous vient, dans une posture bienveillante et accueillante, non jugeante, et de laisser venir à vous images, mots, émotions.
Vous l’aurez compris, introspection et vérité objective absolue sont contradictoires.
« La vérité est ailleurs » comme dirait l’autre ! Avec l’introspection, on parlera d’expérience individuelle et subjective, unique.
Cela ne veut pas dire que nous sommes dupes de ce qui peut nous influencer… Mais nous devons accepter que nous ne pouvons ni nous extraire des relations que nous vivons, ni de notre histoire, ni de notre environnement !
L'influence de l'environnement
La psychologie sociale, dont Kurt Lewin a été un des pères dans les années 40, nous apprend qu’à notre corps défendant, nous sommes influencés par le social et le groupal.
C’est d’ailleurs sur cette corde sensible que les marketeurs appuient pour tenter de faciliter les ventes de leurs produits.
L’environnement social et culturel exercent une pression subtile mais omniprésente sur notre être et donc nos introspections.
Les normes sociales, les attentes implicites de notre entourage et les valeurs culturelles jouent un rôle essentiel dans la façon dont nous interprétons nos propres pensées et émotions.
Un exemple. Si je vis dans une culture plutôt individualiste, mon introspection va être axée sur l’expression de soi et la recherche d’authenticité. En revanche, si ma culture est majoritairement imprégnée du groupe, mon introspection portera plutôt sur comment vivre en harmonie avec les autres, comment m’adapter aux normes de mon groupe d’appartenance etc.
D’ailleurs, le fait de se plier à l’impératif social, de se conformer aux normes, de correspondre à certaines attentes prédéfinies peut altérer la sincérité de nos réflexions internes. C’est ce qu’on appelle l’autocensure sociale. Elle peut freiner notre spontanéité et notre authenticité, et nous empêcher de toucher certains aspects de nous-même.
Quand ne faut-il pas privilégier l'introspection
Maladies non stabilisées
Lorsque l’on traverse une maladie de manière aiguë, ou une maladie chronique qui se décompense ou dont les symptômes se réactivent, l’aide d’un professionnel est nécessaire et non discutable.
C’est lui qui sera votre guide, votre fil rouge pour entamer le processus d’introspection. Il vous donnera les bases de la technique. Cette relation thérapeutique laissera des traces en vous. Et vous pourrez, en vous appuyant sur cette expérience, l’employer ensuite à votre manière, en autonomie en dehors des crises.
Pour donner des exemples concrets, je pense à des maladies chroniques ayant des poussées douloureuses telles que la polyarthrite rhumatoïde, et sur le plan psychique, les décompensations délirantes, la dépression mélancolique, etc.
Que ça soit d’un point de vue physique ou psychique, le symptôme douloureux est alors en première ligne, omniprésent. C’est un peu comme si on se baladait avec un voile noir sur le cœur sans pouvoir distinguer quoi que ce soit de l’anatomie de l’organe. La première des choses sera alors de prendre en compte ce symptôme. L’apaiser, afin d’avoir accès dans un seconde temps (si je file la métaphore) au cœur lui-même et ce qu’il contient.
Situations de crises et traumatismes non traités
Si vous êtes en état de choc, en crise, que vous venez de subir un divorce, un décès, une annonce difficile : le temps n’est pas à l’introspection.
La première phase est de lever l’état de sidération, en clair : de digérer ce qui vous arrive. Et c’est dans un second temps, par une prise de recul que vous pourrez accéder à l’introspection.
Un exemple classique : vous êtes en pleine crise d’angoisse (ou attaque de panique). Et bien si vous avez vécu ce genre de choses, vous savez que quand vous traversez la crise, il vous est impossible de penser : vous gérez l’urgence. C’est dans un deuxième temps, que vous serez capable d’analyser ce moment de crise, ce qui l’a déclenché, émettre des hypothèses seul ou dans le cabinet de votre psy. Et c’est ainsi que vous pourrez renouer avec le processus introspectif.
De la même manière, des traumas récents ou passés non traités ne sont pas une bonne indication à l’introspection en autonomie. En vous plongeant dans l’épisode de trauma, vous risquez de le raviver et justement de le revivre sur un mode traumatique. Dans ce cas, il est vivement conseillé de faire appel à un professionnel, la technique de l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) peut-être un outil intéressant.
Les 3 choses qu'on ne dit jamais sur l'introspection
L'introspection peut être douloureuse
Et oui ! Elle peut être douloureuse à plusieurs titres. Parce qu’on peut mettre à jour des parties de nous que nous ne voulions pas voir jusqu’à présent.
Mais aussi douloureuse car chère en ressources et énergie qu’on y laisse. Si vous êtes bourrés de défenses et de rigidité, il vous faudra redoubler d’effort pour réussir à vous familiariser à des techniques d’association libre par exemple.
Et bien-sûr couteuse en temps et en effort. Se connaître demande du temps et de la disponibilité, de la constance. C’est un processus et non un one shot.
Pour autant, nous avons vu que nous pouvions commencer à apprivoiser cet exercice avec des professionnels qualifiés, ou simplement par le regard d’un ami bienveillant. Souvent, lorsqu’on est bloqué sur une problématique, le soutien et parfois l’avis d’un ami, même s’il parle bien-sûr de son point de vue, pourra nourrir notre réflexion et peut-être nous montrer un chemin jusqu’à présent dissimulé.
L'introspection peut être chaotique
Quand on essaye tant bien que mal et qu’on se confronte à divers freins ou peurs, on peut-être tenter de s’arrêter, puis de recommencer 1 an plus tard… Un peu sur le schéma d’un accordéon.
La peur de l’inconnu, la peur du changement, la peur de se perdre ou carrément le sentiment de dépersonnalisation.
Toutes ces peurs sont à écouter. Ne foncez pas tête baissée en vous disant « il faut que je sorte de ma zone de confort ». Non ! Si vous avez un doute, demandez votre chemin, comme vous le feriez dans une ville inconnue. Allez voir un professionnel !
Si je résume, pour qu’une introspection soit menée correctement un cadre de travail défini et rigoureux est indispensable.
Et c’est normal quand on y pense ! Ça ne vous viendrait pas à l’esprit de pratiquer une opération sur quelqu’un sans en avoir acquis une connaissance et la compétence au préalable.
Pour l’introspection c’est pareil. Un cadre est nécessaire pour guider votre réflexion et ne pas vous perdre en cours de route.
L'introspection peut être addictive
Par addictive je veux dire une pratique dans laquelle on s’enferme par goût et par plaisir, sans pourtant que cela n’apporte plus de valeur ajoutée dans votre vie. Cela peut devenir vain. Voire, si ça devient trop envahissant, ça peut carrément vous couper de vos amis, de votre famille.
Par exemple : je vais refuser cette sortie car ce soir c’est mon moment d’introspection.
Il s’agit de faire une balance et de trouver l’équilibre entre votre besoin d’exploration et la vie… Je dirais « réelle », c’est à dire celle qui se joue en dehors de votre intérieur.
S’enfermer ainsi dans l’introspection peut mener tout simplement à une boursoufflure d’égo. On enfle son narcissisme comme un Shadok pompe sans relâche… J’exagère un peu, mais vous avez compris l’idée !
D’autre part, il me semble important de revenir sur les objectifs de l’introspection.
L’objectif, on l’a vu n’est pas une quête d’objectivité. Il n’est pas non plus la poursuite de la félicité ou du bonheur parfait. Ça serait comme poursuivre le lapin blanc d’Alice : certes on accède à un monde merveilleux, mais n’est-il pas peuplé de simples fantasmes et illusions ?
Une dernière chose : la rumination peut aussi (et malheureusement) être addictive. Pas qu’on veuille ruminer non, mais elle s’impose à l’esprit et nous n’arrivons plus à en sortir. On est comme enfermé dans un labyrinthe où toutes les pensées qui nous traversent sont teintées de noir. Si vous êtes souvent soumis à des ruminations, là encore, c’est le cadre de travail que vous aurez défini au préalable de votre introspection qui sera déterminant.
Et il ne faut pas oublier que des fois, même si nous voulons très fort réaliser quelque chose, cela nous est impossible ! Peut-être que nous ne somme pas disponible, peut-être les explications pour l’instant nous échappent. Ne forcez pas, revenez-y plus tard.
Conclusion : connaître l'introspection c'est l'utiliser au bon moment
L’introspection est un outil précieux pour explorer notre monde intérieur et mieux nous connaître. Cependant, il est important de reconnaître ses limites et les défis auxquels nous sommes confrontés lors de cette pratique. Les biais cognitifs, l’inconscient, les influences de l’environnement et les risques d’une introspection mal exécutée peuvent entraver notre capacité à mieux nous comprendre, et nous piéger dans une boucle de ruminations.
L’être humain est complexe !
En prenant conscience de tous ces pièges et ces embûches, j’espère que vous pourrez prendre un temps serein avec vous-même et commencer votre cheminement.
Et si vous ne savez pas par où commencer, allez piocher dans l’un de mes outils gratuits ou payants pour vous guider ! Ils sont spécialement conçus pour vous faciliter le processus.
👇 Voyez-vous d’autres limites que je n’aurais pas citées ?
bonjour à vous, je suis en phase d’interrogation sur mon comportement et j’ai entamé naturellement une véritable introspection, difficile , pénible , car mon subconscient a tendance a se manifester dès que j’aborde des péripéties déstabilisantes qu’ il m’ est difficile d’assumer … j’y parviens …Mais , je m’interroge sur la nécessité de me faire du mal …vos conseils sont précieux puis je vous demander où je dois chercher pour accéder librement à l’article complet qui a éveillé ma curiosité lorsque j’ai recherché une réponse dans ma tablette dans firefox … j’ai 80 ans , handicapé , je m’occupe en faisant fonctionner ma mémoire et de fait , en recherchant la définition exacte de
l’introspection . Merci de votre attention , je reste à l’écoute de vos conseils .
respectueuses salutations , rogerserres12@gmail.com .
Bonjour Roger,
merci pour votre commentaire.
Vous pouvez écouter l’article ici sur youtube si vous avez du mal à y accéder sur le blog : https://youtu.be/l7k79fainZA?si=Fj_ZOlvWTP1c3nR9
Bravo pour cette réflexion introspective que vous menez actuellement, et qui est exigeante. Pour répondre à votre question : se faire du mal jamais ! En revanche faire preuve de discipline et de rigueur dans votre cheminement oui.
Si vous voulez avoir plus de contenus sur le thème de la connaissance de soi, je vous conseille d’aller écouter le podcast, tous les épisodes sont disponibles sur youtube également.
Bonne découverte à vous !